Hommage à Ferdinand Bouchar

 

Nous ne réalisons pas encore complètement que nous ne verrons plus Ferdinand. Et pourtant, lorsque notre vice-président avait fondé l’ « Académie du patois d’Flennes » qu’il a d’ailleurs animée jusqu’au bout, nous lui avions dit qu’il était Immortel, puisque Académicien ! Son groupe qui se réunissait fidèlement le 1er vendredi de chaque mois, avait terminé sous sa houlette le « Dictionnaire du patois d’Flennes » et travaillé à un numéro spécial sur les sobriquets de Flines.

Tous s’en souviennent avec émotion. Que de temps a-t-il passé à faire des relevés généalogiques, à la mairie de Flines et parfois même aux environs et là encore toujours dans la rigolade… C’était toujours avec humour qu’il aimait faire partager ses découvertes à ceux qui le questionnaient. C’était toujours l’occasion d’y ajouter des anecdotes qui replaçaient les évènements dans leur contexte historique. Car, à chaque vieille famille flinoise lui venait une histoire. Que de souvenirs partagés avec lui !

Rien qu’à Flines plus de 54.000 naissances, décès et mariages étalés sur quatre siècles avaient ainsi été recensés. Alain Marmousez se souvient du regard de Ferdinand lorsque quelqu’un venait leur dire « Bonjour » à la mairie et leur disait : «Vous n’avez pas encore fini ? ».  Et bien non ! Il n’avait pas fini. Il avait commencé à faire ces relevés et à publier des revues au Centre d’Etudes Généalogiques du Douaisis (CEGD) avec Thérèse Marie Blervaque-Loubert qui elle aussi nous a quittés, pendant le confinement. Elle aussi était un pilier de la mémoire à Flines. Et tous deux avaient été membres de l’ARPE, la société d’histoire locale qui a précédé FFH. Ils avaient toujours été d’une aide précieuse pour concevoir les expositions, les revues sur l’histoire de Flines.

Lorsque les connaissances de Ferdinand faisaient appel à sa mémoire seule, il le précisait, mais le plus souvent elles étaient le résultat de recherches méthodiques et incontestables, sur le patrimoine de la commune, sur les conflits contemporains. Il savait prendre du recul, toujours enclin à l’analyse. Il portait un regard distancié, mais toujours humain sur les événements de notre temps.

Tous appréciaient sa gaieté, son ironie, sa verve, son autorité bienveillante et souriante, malgré un abord parfois bourru. Nos réunions parfois un peu protocolaires devenaient vite avec lui des causeries amicales et bon enfant. Cet homme rigoureux dans son travail et ses passions inspirait le respect.

Mais au-delà de son attachement à l’histoire, Ferdinand s’était investi dans et au-delà de son travail. Il avait été recruté à la Compagnie Royale Asturienne des Mines (CRAM) à Auby, devenue Asturienne France en 1983, Vieille Montagne France en 1987 et Union Minière en 1990. Il appartenait au service « Mesure et contrôle » qu’ils avaient renommé ensuite AMI (Atelier Maintenance Instrumentation), un clin d’œil à une réelle équipe de copains prêts à intervenir à tout moment. Cette ancienne usine de zinc avec sa vingtaine de fours en remplacement des 33 cheminées datant des installations d’origine, avait été inaugurée en 1869. Il faisait partie de l’équipe postée en « trois huit », dimanches et jours fériés, 365 jours par an. Il faisait aussi la maintenance de ces enregistreurs, une merveille de mécanique de précision, capables d’enregistrer une douzaine de températures différentes sur le même papier, et à cette époque sans électronique. Leur domaine de compétences allait de l’électricité à l’électronique, la mécanique, la pneumatique, l’hydraulique, la physico-chimie (mesures de pH), le contrôle de flamme des fours à gaz, et aussi à partir de 1970 la radioactivité pour des mesures d’épaisseur et de densité.

Il était apparu comme un syndicaliste actif et engagé, défenseur de toutes les causes, car c’était un homme de convictions. Il avait été délégué syndical-CFDT aux Asturies et dans le Douaisis. Il avait connu les grèves de 1968, les nombreuses restructurations internes, les départs en préretraite, les licenciements économiques (dont celui de 1982). A cette époque, c’est le Premier Ministre Pierre Maurois qui était intervenu pour ne pas fermer l’entreprise.

A l’échelon local, il avait été conseiller municipal sur la liste socialo-communiste (mandat 1989-1995), administrateur du CCAS et de la Caisse d’Allocations Familiales (CAF). Il estimait qu’il y avait toujours quelque chose à défendre quelle que soit la personne. Il avait également été délégué des parents d’élèves.

 

Il avait sans doute puisé cette force dans les événements qui avaient marqué ses origines familiales et son enfance, ce qui lui avait fait prendre la guerre, les guerres, en horreur. Veuve prématurément, sa mère modiste avait dû élever seule ses trois enfants, pupilles de la Nation, puisque leur père, résistant, avait péri le 2 septembre 1944, dans la tragédie de Canchomprez, là où 14 Flinois ont été abattus par les Allemands lors de la libération de notre région.

 

C’est un pilier de notre association qui a disparu et une partie de la mémoire de la commune qui s’est éteinte. Y disot tertous sur li : « Yarot un lif’ à écrire »…

 

Flines au Fil de son Histoire (FFH) et l’Académie du patois d’Flennes

(avec l’aide de Jean-Paul Carpentier, son collègue pendant 24 ans)